« Dans le Timée, dès le début du récit, Critias précise que cette histoire est singulière mais absolument vraie. Socrate conclut en disant qu’il ne s’agit pas d’une légende mais d’une histoire vraie. Nous voyons combien Platon insiste sur la véracité du récit. C’est à la véracité du thème principal que nous nous attacherons.
Une telle civilisation a-t-elle pu exister il y a 12 000 ans ? Plus d’un million d’années se sont écoulées depuis la fabrication par l’Homo habilis des premiers outils. Entre le moment où l’homme maîtrise le feu, il y a 400 000 ans, et le Néolithique, la civilisation évolue très peu. Puis en 6 000 ans, nous passons du Néolithique à la technologie moderne. Autrement dit, pendant 400 000 ans, il peut y avoir plus de soixante périodes suffisantes pour passer de l’âge de pierre à notre technologie.
En quelques dizaines d’années, nous connaissons un modernisme que nous croyons sans précédent et qui se manifeste sur les cinq continents, mais en même temps des communautés de chasseurs-cueilleurs subsistent.
L’explosion scientifique et technologique prend des allures exponentielles en quelques siècles. Dès lors, nous pouvons raisonnablement admettre l’existence d’une civilisation évoluée il y a quelque 12 000 ans. Mais une telle civilisation a-t-elle pu disparaître de façon soudaine ?
En ce début de millénaire, époque charnière entre l’ère des Poissons et l’ère du Verseau, nous sommes bien placés pour apprécier la fragilité d’une civilisation à haute technologie. Nous arrivons à un moment de notre histoire où tout est possible. L’homme possède les moyens de faire de notre planète une véritable oasis de paix et de bonheur dans l’immensité cosmique. Mais il peut aussi réduire à néant l’humanité en usant du feu nucléaire dont il a stocké l’énergie dévastatrice. Un vent de folie pourrait détruire l’humanité.
Les scientifiques sont conscients de cette fragilité, car dans leur tentative de communication avec d’autres civilisations extraterrestres, l’une des grandes interrogations fut de savoir si la durée de vie d’une civilisation technologique serait suffisamment longue pour permettre d’établir une liaison radioélectrique aller-retour.
Mais rien ne permet d’envisager une telle fin pour l’Atlantide. Certains auteurs ont considéré que les Atlantes possédaient une grande puissance technologique, allant même jusqu’à penser que c’est une mauvaise utilisation des cristaux qui serait la cause de leur autodestruction. Mais les textes de Platon ne font aucune allusion à une telle évolution technologique. C’est la fin du Critias qui nous éclaire : « Tant que les Atlantes faisaient preuve de sagesse, tant que les rois restaient attachés aux principes divins, ils supportaient le fardeau de leur richesse. » Autrement dit, ce qui a porté l’Atlantide à son apogée, c’est sa sagesse. Tant que les Atlantes respectèrent l’ordre divin, ils connurent la prospérité. L’évolution d’une civilisation ne se mesure pas à sa technologie mais à ses valeurs morales, à sa dimension spirituelle, à son « bien-être » et non à son « beaucoup avoir » ; nous pourrions dire : à sa philosophie. Philosophie non pas spéculative mais prise au sens étymologique : amour de la sagesse.
Dans le récit de Critias, la richesse est présentée comme un fardeau, ce qui éclaire la suite : « Quand le caractère humain prédomina, ce fut le châtiment de Zeus. » Nous sommes bien placés pour comprendre que les Atlantes succombèrent au matérialisme. Pour Platon, c’est cette perte de la sagesse qui provoqua la colère de Zeus. Ce serait donc une catastrophe naturelle qui aurait englouti l’Atlantide. Ce que corrobore le Timée : « Mais dans le temps qui suivit, il y eut des tremblements de terre et des inondations extraordinaires, et, dans l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit néfastes, tout ce que vous aviez de combattants fut englouti d’un seul coup dans la terre, et l’île Atlantide, s’étant abîmée dans la mer, disparut de même. »
Nous savons aujourd’hui que cette période a connu une importante montée du niveau des océans, qui se trouvaient alors 120 mètres en dessous de leur niveau actuel. La disparition progressive des mammouths laineux aurait aussi commencé à cette période. Certains y voient les conséquences de l’explosion de la supernova Vela. Plusieurs mythes conserveraient l’empreinte de ce cataclysme que connurent des hommes qui nous ressemblaient. Nous pourrions citer entre autres le mythe de Phaéton en Grèce, mais aussi le mythe du second soleil chez les Palawan du Sud des Philippines. Nous pensons aussi au déluge de la Genèse, à l’épopée de Gilgamesh à Sumer et au déluge maya relaté dans le Popol Vuh.
La crédibilité du récit de Platon se voit confirmée par la localisation qu’il donne de l’Atlantide. Il faut bien prendre conscience qu’à cette époque, la carte du monde se limitait au Bassin méditerranéen. Alors comment expliquer cette description qui situe l’Atlantide au-delà des Colonnes d’Hercule (le détroit de Gibraltar) ? Platon précise que cette île était plus grande que la Libye et l’Asie réunies. C’est-à-dire qu’elle s’étendait sur une longueur équivalente à une bande de terre allant du Maroc à l’Égypte.
Plus étonnant, Platon indique que de l’Atlantide, on pouvait passer dans d’autres îles. Nous comprenons qu’il parle alors des îles qui cernent la mer des Caraïbes : Cuba, Haïti, Porto Rico, les Antilles… Enfin il nous dit que de ces îles, il est possible de gagner tout le continent qui s’étend au-delà.
Mieux encore ! Platon précise que ce qui est en deçà des Colonnes d’Hercule ressemble à un port, tandis que ce qui est au-delà forme une véritable mer, et ce qui l’entoure est un vaste continent. Autrement dit, il insiste sur l’immensité de l’océan Atlantique, comparé à la Méditerranée, qui n’est qu’une mer fermée. Et surtout il connaît l’immensité du continent américain.
Comment Platon pouvait-il faire une telle description du monde atlantique alors qu’il nous a été enseigné que l’Amérique ne fut découverte qu’en 1492 par Christophe Colomb ? Selon le Timée, ces informations viennent du prêtre de Saïs, en Basse-Égypte. Alors l’Égypte serait-elle gardienne du mystère de l’Atlantide ? Nous y reviendrons.
Nous devons maintenant nous interroger sur la localisation de l’Atlantide, car plusieurs hypothèses ont vu le jour. »
(Extrait de « L’atlantide : Mythe ou réalité », par Michel Armengaud)