« « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux » est une maxime que Socrate a reprise à Thalès de Milet et faite sienne. Elle montre que l’introspection est une des portes pour atteindre la compréhension des lois de l’univers et pour accéder ensuite au monde des dieux, c’est-à-dire à la part de divinité qui nous est propre. Se connaître soi-même, mais comment ?
Dans le miroir
Dans notre quotidien, le moyen que nous utilisons pour connaître notre moi physique est le miroir. Cette surface reflète notre image, elle nous montre notre aspect extérieur. Le miroir est l’instrument de la connaissance de notre être physique.
Le miroir peut également avoir une valeur symbolique. Il peut marquer la quête de la connaissance de soi. Celle-ci est vaste, elle englobe la totalité de l’être, qui comprend la divinité qui est en nous. Mais cette connaissance de soi comprend aussi la découverte de toutes nos imperfections.
Nous découvrons alors que ce sont les autres qui forment pour nous le meilleur miroir. En effet, si par exemple notre vis-à-vis a le don de nous agacer, de nous énerver, voire de nous mettre en colère, il est très intéressant d’explorer notre émotion à ce moment-là. Elle nous révèle alors qu’il y a quelque chose d’« insupportable » chez l’autre. Mais pour quelle raison ? Il y a pourtant toutes sortes de défauts chez d’autres personnes qui ne soulèvent aucunement de telles émotions en nous : ces imperfections nous feraient plutôt sourire d’indulgence et de compréhension… Mais dans un moment d’irritation, si l’on est sincère, on s’aperçoit que l’on est en fait capable d’avoir exactement le même genre d’attitude que celle de notre vis-à-vis ; nous découvrons cela dans notre passé ou quelques jours après, mais de toute façon, peut-être surtout lorsque nous sommes « à bout » et que nous ne nous contrôlons plus : il apparaît que nous sommes capables de reproduire une situation similaire à celle qui nous agaçait chez notre proche. Bien sûr, nous sommes peut-être à un point différent de la spirale par rapport à ce problème, notre attitude n’étant quelquefois pas aussi caricaturale. Mais avec un peu de lucidité, nous comprenons qu’il s’agit bien du même défaut. Il faut une grande honnêteté avec soi-même pour accepter de « se regarder ainsi en face » comme le dit si bien l’expression en usage dans ces circonstances, mais le profit est à la mesure du courage que l’on y applique…
Finalement, les émotions face aux autres deviennent un miroir intransigeant, mais aussi un guide infaillible pour travailler à s’améliorer. En effet, au lieu d’en vouloir à la Terre entière quand quelque chose ne va pas, nous prenons conscience qu’il est possible de commencer par soi-même, et, en se mettant à se corriger, de devenir de plus en plus compréhensif et tolérant face aux autres. Il est plus facile de leur indiquer comment se réformer, pour être déjà passé par le même chemin. Ceci nous donne un éclairage sur la phrase du Maître Jésus : « Ôte d’abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour ôter la paille de l’œil de ton frère ».
La poutre nous semble dans l’œil de notre prochain parce que notre émotion nous renvoie son défaut d’une manière énorme, déformée au point de ne plus voir nos propres défauts qui nous apparaissent alors comme des « fétus de paille ». Mais en réalité, sur notre route vers la lumière, se dresse un obstacle qui a la taille d’une poutre, et qu’il est urgent que nous écartions.
Un peu de sagesse
Quel est le meilleur moyen d’assister l’autre ? N’est-ce pas lorsque nous avons nous-mêmes franchi les mêmes étapes ? Tout ce que nous avons rectifié en nous nous permet de mieux aider l’autre à s’améliorer, et nous le ferons avec d’autant plus d’aisance que l’émotion ne nous atteint plus, faisant place à la compréhension et à la tolérance, car nous savons que nous aussi sommes sujets aux mêmes genres de défauts…
La connaissance de nous-mêmes nous révèle beaucoup sur nous et sur les autres… Les voiles qui nous séparent de la lumière se dissipent ainsi les uns après les autres. Au lieu d’être dans l’ombre de la matière, tiraillés entre les extrêmes, nous avançons progressivement vers la lumière. Nous polissons notre personnalité, on peut dire que notre propre miroir s’affine. Nous pouvons ainsi enfin refléter de plus en plus les « gloires de l’univers ». Les obstacles entre l’homme et la lumière divine étant tombés, l’homme accomplit alors la tâche pour laquelle il a été conçu et qui est de magnifier Dieu.
La conclusion à cette réflexion est confirmée par cet extrait du dialogue entre Hermès et son fils Tat :
« – Les sens perçoivent ce qui s’élève comme le feu, ce qui s’étend comme la terre, coule comme l’eau, souffle comme l’air ; mais pourrais-tu saisir ce qui n’est ni solide, ni liquide, ni dur, ni mou, ce qui se conçoit seulement en puissance et en énergie ? Pour comprendre la naissance en Dieu, il te faut la conscience seule.
– J’en suis donc incapable, mon père ?
– Ne désespère pas, mon fils, ton désir s’accomplira, ta volonté aura son effet ; endors les sensations corporelles et tu naîtras en Dieu ; purifie-toi des bourreaux aveugles de la matière.
– J’ai donc des bourreaux en moi, mon père ?
– Ils ne sont pas en petit nombre, mon fils, ils sont redoutables et nombreux.
– Je ne les connais pas, mon père ?
– Le premier est l’ignorance, le second est la tristesse, le troisième l’intempérance, le quatrième la concupiscence, le cinquième l’injustice, le sixième l’avarice, le septième l’erreur, le huitième l’envie, le neuvième la ruse, le dixième la colère, le onzième la témérité, le douzième la méchanceté. Ils sont douze et en ont sous leurs ordres un plus grand nombre encore…
Celui qui obtient de la miséricorde divine la naissance en Dieu, est affranchi des sensations corporelles, reconnaît les éléments divins qui le composent et jouit d’un bonheur parfait. »
Hermès Trismégiste, Livre premier, traité XIII,, Discours secret sur la montagne – De la renaissance et de la règle du silence. »
« En fin de compte, où peut-on aller sinon en soi-même ? » Patrice Richard
Par Catherine Hoffet, extrait de la Revue « Rose-Croix » 220-Hiver 2006