« En 1911 se tient, pour la première fois, un congrès scientifique international (Le Congrès Solvay) auquel assistent, les plus grands noms de la science. Dès 1616, la Confessio rosicrucienne invitait les esprits éclairés -comme elle disait-, à se réunir pour mettre en commun leur savoir. Eh bien, ils sont là aujourd’hui, ces esprits éclairés, car plus d’une dizaine (d’entre eux auront un prix Nobel de physique ou de chimie dans les années qui suivront.
En moins d’une vingtaine d’années, en effet, se sont succédées des découvertes très fondamentales comme, les rayons X, les quanta, l’effet photoélectrique, la radioactivité, les électrons, les atomes … On a accédé, comme par effraction, à un niveau de réalité inaccessible à nos sens, celui de l’infiniment petit, et il est impossible d’expliquer toutes ces découvertes dans le cadre de la physique classique. On découvre qu’à ce niveau de réalité les lois physiques ne sont pas tout à fait celles du monde corporel à notre échelle, ni même celles du sens commun.
Une nouvelle physique doit être inventée, une véritable révolution de l’esprit est devant eux. Elle durera plus de dix ans et de cette longue gestation naîtront, la physique quantique et la microphysique.
Etranges propriétés du monde quantique
On découvre que la matière est pleine de vide. Qu’elle est constituée d’atomes, composés eux-mêmes de trois éléments simples : électron, proton et neutron. Qu’il existe bien d’autres particules qui ne sont pas dans la matière, mais dans le rayonnement cosmique qui nous tombe du ciel.
Toutes ces entités, qu’on nomme quantons, n’ont aucune des qualités d’un objet sensible : ni odeur, ni saveur, ni couleur, ni forme, ni consistance. Elles ont en revanche de nombreuses autres propriétés étranges, que n’ont pas les objets à notre échelle.
La plupart des quantons, notamment ceux du rayonnement cosmique, ont une tendance étrange à disparaître spontanément, aussitôt après leur création en donnant naissance à d’autres particules, qui meurent à leur tour et ainsi de suite …
Les quantons ne sont pas vraiment localisables : quand on essaie de les traquer on ne peut que leur attribuer une probabilité de les trouver en tel ou tel endroit et ils semblent même, être partout à la fois.
La non-localité des êtres quantiques
On appelle cette propriété la non-localité. On peut l’observer par exemple, lorsqu’on provoque une collision entre deux quantons. Si le choc est suffisamment violent, ces particules disparaissent complètement pour donner naissance, au sens propre du terme, à d’autres quantons. Ces derniers peuvent alors avoir des comportements dits corrélés. C’est-à-dire que même après s’être considérablement éloignés l’un de l’autre, et quelle que soit leur distance, ils se comportent comme si une« communication» instantanée existait entre eux. On a vérifié cette propriété de corrélation à des distances de plusieurs dizaines de km. Or selon la théorie de la Relativité aucun signal, aucun effet physique, ne peuvent se transmettre à une vitesse supérieure à celle de la lumière. On doit donc considérer que cette instantanéité met en jeu une propriété particulière des quantons qu’on appelle la non-localité: ils se comportent comme si chacun d’eux occupait tout l’espace.
La dualité onde-corpuscule
Selon les instruments qu’on choisit pour les observer, les quantons se manifestent soit comme des ondes soit comme des corpuscules. On conçoit bien ce qu’il y a d’inconciliable entre une onde, comme la vague qui court à la surface de l’eau et la pluie par exemple. Ce n’est tout de même pas pareil, convenons-en ! Pourtant les physiciens seront finalement contraints d’admettre qu’un quanton apparaît effectivement, selon le type d’observation, soit comme une onde, soit comme une particule. Ainsi, pour décliner son identité, le quanton tient compte de la façon dont on l’interroge. Mais qu’est-il quand on ne l’observe pas? Pour le physicien la question n’a pas de sens en dehors d’une observation, c’est tout.
Ici, la physique plonge définitivement dans un Univers peuplé d’objets impossibles à admettre pour le sens commun. On ne peut représenter ces entités étranges par une image ou la décrire avec des mots. Pour le physicien elles sont de pures entités mathématiques, parce que seules des expressions mathématiques peuvent les prendre en charge et les décrire. Personnellement je m’interroge : cet univers impossible à admettre pour le sens commun me rappelle la définition du sacré que j’ai rappelée au début de cet exposé: Le sacré[ … ] c’est l’introduction mystérieuse, dans un domaine d’existence, d’une présence qui en réalité contient et dépasse ce domaine …
Les antinomies et le principe de complémentarité
Mais les phénomènes quantiques donnent lieu à d’autres antinomies que la dualité onde/corpuscule. Par exemple, lors de l’observation d’un phénomène, si on décide d’en connaître un certain aspect, la connaissance d’un certain autre aspect devient impossible. Comme dans la dualité onde et corpuscule, deux aspects antinomiques ne peuvent se manifester simultanément. Cette impossibilité de fait, s’exprime par un principe nouveau, dit de complémentarité. Selon ce principe les différents aspects antinomiques d’un système quantique ne peuvent être observés simultanément. Quand un aspect se révèle, l’autre se cache et il faut renoncer à une connaissance totale des phénomènes. Alors, comment ne pas penser de nouveau, à notre définition du sacré … l’incommensurable, [… ] caché dans une forme fragile de ce monde?
Le hasard en physique quantique
Y aurait-il du sacré dans la micro physique ? Difficile de le penser pourtant quand on pense au rôle fondamental qu’y joue le hasard. Pour le physicien, le hasard é est l’absence établie d’une cause physique à un phénomène quantique individuel. Nous en connaissons tous un exemple, le caractère aléatoire de la désintégration d’un atome radioactif : sa durée de vie, avant sa désintégration purement spontanée, obéit à une loi rigoureusement statistique … Ici le hasard règne partout dans les phénomènes individuels. La microphysique c’est la physique de la statistique portant sur de grands nombres d’observations d’un même phénomène.
Nous constatons, après ce bref aperçu des particularités de la microphysique, que l’esprit humain en cheminant dans ce monde, côtoie des phénomènes qui ne parlent ni aux sens, ni même au sens commun. Ce qu’on n’ose même plus appeler matière, joue à cache-cache avec l’observateur, comme nous l’avons vu. Galilée et la science classique avaient rêvé d’une représentation totalement mathématique du monde sensible. Et ici ce rêve tourne au cauchemar. Parce que les fondements-mêmes de notre monde corporel, repose sur des êtres mathématiques aux étranges propriétés, qui nous sont totalement insaisissables!
Toute la Nature livrée au hasard ?
Remarquons que le hasard du monde quantique n’est pas le seul à poser des problèmes au philosophe. Celui qui règne en cosmologie et dans les sciences de la vie en pose aussi. Au début du siècle dernier, le belge Lemaître nous apprend que l’Univers aussi a son histoire. Il fait l’hypothèse d’un œuf cosmique à l’origine de l’Univers et, pour s’en moquer, l’astrophysicien Fred Hoyle donne à son œuf le nom de Big Bang, en français on aurait dit Grand Boum. C’est un formidable et minuscule chaudron où les particules et les atomes n’ont pu se constituer que grâce à une improbable dissymétrie de structure des tout premiers éléments. Ici à la fameuse question « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?», le hasard seul répond aux physiciens, « parce que j’étais là». Et, comme libérée par cet aveu, la science nous conte l’effarante succession de hasards, c’est-à-dire d’absence de causes physiques, que la nature a dû affronter pour construire ce Cosmos! Le hasard des physiciens, va conduire de la soupe des particules primordiales, née du Big Bang, à la soupe des molécules organiques qui engendreront la vie. Et puis, le hasard des biologistes prend le relai. Il conduit de cette soupe des molécules organiques aux chromosomes puis au hasard des mutations chromosomiques. Darwin au XIXème s avait fait la révolution en nous enseignant que le monde vivant à son histoire. Nous savons maintenant que c’est le hasard qui conduit à la diversité des espèces. Pour en arriver paraît-il, jusqu’à l’Homme, enfin.
Le sacré et la science
Pourquoi le monde est-il explicable ?
Ainsi, la science aurait évacué le sacré depuis quatre siècles, pour embrasser la religion du hasard. La cause est-elle entendue ? Ce serait, selon nous, aller trop vite en besogne. Permettez-moi, l’occasion est tentante, de vous livrer là-dessus quelques remarques personnelles.
Nous constatons que la science veut ignorer le sacré. Soit. Mais le sacré ignore-t-il la science ? Est-ce possible ? Rappelons que les principes sacrés eux, n’ont jamais cessé de s’imposer à tous, y compris à ceux qui font la science. Souvenons-nous de ce que disait tout à l’heure Antigone au puissant roi Créon, son oncle : « on ne peut se soustraire à la loi sacrée». Les lois de la nature sont sacrées et pour lever le voile qui cache les secrets de la Nature, l’homme de science, ne peut que se soumettre à cette règle. C’est le prix à payer pour progresser avec efficacité dans la connaissance. Or, la connaissance scientifique, fait preuve, nous l’avons vu, d’une indéniable efficacité. Ses succès en témoignent. Cet Univers qui n’a pas de sens pour elle, a pourtant des lois. Et l’homme les découvre. Remarquons à ce sujet l’acharnement avec lequel les scientifiques cherchent même l’unité qui se cache derrière l’apparente diversité de ces lois et les succès qui couronnent cette pathétique et laborieuse recherche.
La physique en quête d’Unité
N’y aurait-il pas du sacré dans leur démarche ? J’avance ici l’hypothèse que la science, au vu de ses succès, a su mettre en pratique, comme à son insu, des moyens dont elle ignore l’origine. Et ça marche, pourrait-on dire familièrement ! Cela marche même si bien que les scientifiques eux-mêmes, comme Einstein s’en étonnent: ce qui est inexplicable, déclare-t-il, c’est que le monde soit explicable.
Remarquons à cette occasion que pour limiter notre sujet nous n’avons parlé ici que de la connaissance scientifique proprement dite et non de ses applications. Il faut quand même souligner que par ces applications, la science donne un terrible pouvoir à la société mais que cette société ignore aujourd’hui dans sa très grande majorité le caractère sacré des êtres de la nature. Faut-il s’étonner alors des dangers que les applications de la science font courir aujourd’hui à notre planète et ses habitants? Le dérèglement climatique, la pollution des terres et des mers, les menaces pour la diversité des espèces en sont un signe évident. Quant aux manipulations génétiques, qui ont déjà conduit à la fabrication de ce qu’on appelle en biologie des chimères, c’est-à-dire des animaux possesseurs de gènes d’une autre espèce, y compris de gènes humains, ces manipulations ouvrent la porte à toutes les folies …
D’où viennent les idées scientifiques, les concepts et les théories?
Mais tenons-nous-en ici à la seule connaissance de la Nature et non à ses applications. Prenons un peu de recul et observons cette connaissance se développer au fil des siècles. Que constatons-nous ?
Qu’au fil de l’histoire, l’Homme se fait une représentation de plus en plus en plus complexe et précise des phénomènes, avec des moyens mathématiques de plus en plus puissants. Qu’il s’appuie sur des concepts de plus en plus éloignés du sens et de l’expérience commune, de moins en moins intuitifs, parfois même hautement abstraits. Que pour rendre compte des mœurs déconcertantes du monde quantique, par exemple, les physiciens ont dû inventer de nouveaux principes, de nouvelles règles, de nouvelles propriétés, une nouvelle algèbre, et même une nouvelle idée de ce qu’est un objet. Bref, non seulement une nouvelle physique, mais une vision nouvelle du monde. On a dit que de nouvelles possibilités de pensée ont été offertes à l’Homme à cette occasion.
D’où viennent ces concepts radicalement nouveaux qui ne découlent pas directement de faits d’observation? D’où viennent ces nouvelles possibilités de pensée ? Par quel miracle les phénomènes de la Nature sont-ils explicables par l’esprit humain?
Des scientifiques s’interrogent sur l’origine des idées
Le mathématicien Henri Poincaré a été un des premiers scientifiques à s’être interrogé à ce sujet, au siècle dernier. Il a raconté dans quelles circonstances des idées lui venaient, parfois de manière inattendue. Ainsi, par exemple, à une époque où il cherche à résoudre un difficile problème mathématique, allongé sur mon lit, raconte-t-il, je voyais des pensées vagabonder comme des atomes sous le plafond pour former des combinaisons et tout d’un coup, je vis la bonne combinaison. Voilà un exemple d’une idée qui résulte d’une méditation. Un autre exemple, célèbre aussi, est celui du grand chimiste Kekulé, fondateur de la chimie organique. Il cherche en vain à imaginer la manière dont s’assemblent les atomes pour former la molécule de benzène. Il découvrira que cette molécule a la forme d’un anneau. Ici c’est un rêve qui est à l’origine de cette idée.
Je tournai ma chaise vers le feu dit-il et tombai dans un demi-sommeil. De nouveau, les atomes s’agitèrent devant mes yeux [ … ] De longues chaînes, souvent associées de façon plus serrée, étaient toutes en mouvement, s’entrelaçant et se tortillant comme des serpents. Mais attention, qu’était-ce que cela ? Un des serpents avait saisi sa propre queue, et cette forme tournoyait de façon moque11se devant mes yeux. Je m’éveillai en un éclair [. . .].
De nombreux autres exemples mettent en évidence un lien entre la méditation ou le rêve et la naissance des idées en sciences. Un des pères fondateurs de la physique quantique, le Suisse Pauli, s’est longtemps posé la question de savoir, « quelle pourrait bien être la passerelle qui assurerait la liaison entre les perceptions des sens d’une part et les concepts de l’autre », soulignant que « tous les penseurs rigoureux en sont arrivés à la conclusion que la logique seule [est] par définition incapable d’établir ce lien ». Pauli, a collaboré de très longues années avec le psychologue suisse Carl Jung qui a mis en évidence l’existence dans le psychisme de l’homme, d’archétypes analogues aux Idées de Platon. Pour Pauli, ces archétypes pourraient bien être le lien qu’il cherche entre les faits d’observation et les concepts ou les théories scientifiques.
Des Idées de Platon aux archétypes de Jung
Nous connaissons le rôle que Platon assigne à ce qu’il appelait les Idées: ce sont pour lui des schémas, des Idées divines, à partir desquelles se manifeste la Création. Ces Idées sont notamment des nombres et des figures géométriques. Elles sont comme le patron de la couturière pour fabriquer un vêtement. Elles constituent le modèle à partir duquel se structure la manifestation des êtres de la Nature. Dans le psychisme humain il existe des empreintes, ou images, de ces Idées qui permettent à l’Homme de reconnaître la nature des choses.
Les archétypes de Jung sont un peu différents des Idées de Platon. Voici une des définitions qu’il en donne: les archétypes sont toutes les dispositions innées et structures psychiques évidentes dans le subconscient qui, dans des situations caractéristiques et répétées produisent des représentations conscientes, des pensées et aussi des émotions et des motifs imaginaires similaires dans leur structure, Cette définition de Jung est beaucoup plus large que celle des Idées de Platon car, selon l’une des collaboratrices de Jung l’archétype peut s’exprimer aussi bien par le biais d’un sentiment ou d’une émotion que par celui d’un imaginaire mythique.
Les archétypes ne sont ni des idées – au sens courant du terme- ni des images. Ce sont des structures intangibles, logées dans l’inconscient et non représentables. La stimulation de ces structures de l’inconscient, par une situation critique, intérieure ou extérieure, va les amener à produire une image, une idée, un concept, une intuition ou une émotion, au cours d’une méditation ou d’un rêve. Les archétypes permettent de structurer des images et des idées conscientes, comme nous venons d’en donner deux exemples, à propos de Poincaré et de Kekulé.
Les archétypes permettraient de provoquer l’irruption de concepts ou d’images dans la conscience et de les intégrer les uns aux autres, en des ensembles cohérents et rationnels, à l’origine des théories. Il n’est pas étonnant alors que les mathématiques y jouent un rôle de premier choix, puisqu’ elles ont, depuis Pythagore et Platon, une place toute particulière dans la panoplie des archétypes.
Esprit, matière et sacré
Selon la Tradition, les archétypes divins et donc sacrés, à partir desquels se structure la Nature ont aussi une empreinte image dans l’inconscient, que Jung assimile à ceux qu’il a découverts. Il a montré, en effet, que c’est bien sur ces archétypes que s’appuient les méditations que nous rapportent de grands alchimistes comme l’Allemand Dorn, au XVIe siècle. Ces archétypes seraient les éléments structurant de la pensée de l’homme microcosme de la Tradition, notamment celle des alchimistes sincères. Voilà pensons-nous une des raisons pour lesquelles la Confessio recommandait aux nouveaux philosophes la pratique de l’alchimie pour accéder aux archétypes sacrés et élargir leur conscience.
La séparation esprit/matière et la vérité de la science
Ce lien entre l’activité de la psyché et la Nature pose la question du lien entre la matière et l’esprit. Observons tout d’abord que les sciences expérimentales sont œuvre humaine. En effet, d’une part, la manière d’observer dérive de choix effectués par l’esprit humain; nous!’ avons vu à propos de la dualité onde corpuscule par exemple. D’autre part, les idées permettant de relier les faits entre eux et de les expliquer, sont aussi produites par l’esprit humain. La connaissance de la Nature résulte donc bien d’une interaction entre l’esprit humain et la Nature.
Ceux qui nient tout lien entre matière et esprit, et donc entre phénomènes de la Nature et esprit, ne peuvent expliquer comment ces phénomènes sont intelligibles pour l’homme. Or, la science exprime vraiment quelque chose du réel, même si ce n’est qu’un aspect de ce réel; ses résultats le prouvent. La Nature est donc bien explicable par l’Homme. Mais au XVIIe siècle Descartes ne pouvait évidemment pas imaginer une telle interaction de l’esprit avec la matière, c’est pourquoi il avait cru pouvoir faire une nette séparation entre les deux. De nos jours, les physiciens savent que ce partage cartésien n’est plus justifiable. Mais la vision de la réalité imposée par la science classique héritée de Descartes, a imprégné si profondément la culture occidentale durant des siècles qu’il faudra longtemps, avant que cette vision dualiste soit remplacée par une attitude réellement différente devant le problème de la réalité. Aujourd’hui cette partition matière/esprit demeure un préjugé scientiste, voire un dogme, inavoué ou ignoré, mais bien ancré dans l’esprit de beaucoup. Elle rend inexplicable, comme le souligne Einstein, le fait que le monde soit explicable par l’esprit humain.
Le Monde Un
Alors, le sacré à l’origine des archétypes guide-t-il les hommes de science ? Oui, comme il guide tous les êtres qui pensent. C’est ainsi, que le sacré demeure à l’œuvre dans le développement de la connaissance scientifique, comme il était à l’œuvre dans l’esprit des alchimistes sincères. Oui, pensons-nous, c’est lui qui nous rend la nature explicable en raison même de l’existence des archétypes et de l’analogie de structure qui existe entre l’esprit à l’œuvre dans le microcosme et la Sagesse à l’œuvre dans le macrocosme, conformément aux enseignements de la Tradition. Dans leurs recherches communes, Jung, le psychologue, et Pauli, le physicien, se sont demandés si cet esprit dans l’homme et sa manifestation dans la nature, ne seraient pas les deux aspects complémentaires – avec le sens que les physiciens donnent à ce terme- d’un Absolu que Jung a appelé l’Unus Mundis, le Monde Un de la Tradition, le Monde Un du grand alchimiste Dorn, le disciple de Paracelse …
Conclusion
Je réalise, au terme de cette réflexion sur la science et le sacré, qu’il m’a fallu une petite heure pour essayer de comprendre avec vous, pourquoi le monde est explicable et je réalise que le grand poète Rumi, il y a huit siècles déjà, vous l’aurait dit en quelques secondes. Jugez-en :
Tout est un, dit-il, la vague et la perle, la mer et la pierre.
Rien de ce qui existe en ce monde n’est en dehors de toi.
Cherche bien en toi-même ce que tu veux être, puisque tu es tout.
L’histoire entière du monde sommeille en chacun de nous.
Et lorsqu’au siècle dernier Einstein se demandait pourquoi le monde est explicable, Paracelse, trois siècles avant, aurait pu à son tour lui dire : « … du ciel [l’homme] reçoit, l’intelligence; de la terre il a le corps;[… et] le ciel n’est pas constitué uniquement par les étoiles et la lune […], il est aussi formé d’étoiles qui sont en nous et que nous ne voyons pas ». Et il ajoute, « Dieu, créé ses merveilles et il créé l’école de la lumière naturelle pour que […] nous appliquions nos recherches nu spectacle de ce que la vue ne saisit pas et qui se dresse pourtant devant nous, avec ln netteté d’une colonne devant un aveugle ».
Espérons qu’avec cette lumière, se lèvera bientôt l’aube nouvelle que nous annonçait, il y a très exactement quatre siècles, la Confessio rosicrucienne. »
Extrait de la conférence « La science et le sacré », par Michel Bénot