N° 289 - Printemps 2024
- Le sentier mystique, par C. Mazzucco, Imperator
- Gottfried-Wilhelm Leibniz, Harmonie et science, par A. Marbeuf
- Un confinement aux temps bibliques avec Rabbi Yohaï, par J. Chourry
- L’Aventure de la conscience, par P. Deschamps
- La Création, par J. Roberge
- Toi et moi, par Jean Pierre
- La résilience, par M. Ingele
Le sentier mystique
par Claudio Mazzucco, Imperator de l'A.M.O.R.C.
Socrate a dit : « Une vie sans examen ne mérite pas d’être vécue. » Nous pensons que c’est un trait intrinsèque de la nature humaine que d’aspirer à la connaissance et que cela se manifeste à un degré plus ou moins élevé dans les différentes âmes-personnalités, en fonction de leur niveau d’évolution. Dans ce contexte, le mysticisme est une voie intérieure qui répond aux appels de plus en plus pressants de l’âme.
Au fur et à mesure que nous prenons conscience de notre propre nature et que nous élargissons notre compréhension de ce que nous sommes, nous découvrons en nous une réponse de plus en plus harmonieuse à ces impulsions qui nous poussent à devenir de plus en plus curieux des mystères de la vie, de la beauté et de l’harmonie, ce qui, à son tour, déclenche un cercle vertueux qui s’auto-entretient. Nous prenons de plus en plus conscience qu’il existe des vérités qui vont à l’encontre de tout ce qui peut nous paraître évident, et nous apprenons que la logique et la rationalité ne sont qu’un aspect de la nature humaine. Cependant, au cours de ce voyage, nous sommes également confrontés à des aspects de la vie quotidienne qui, pour un certain nombre de raisons, peuvent ne pas refléter ce qui se passe réellement en nous. Il se peut qu’à un moment donné de notre vie, nous n’appréciions plus certaines relations, certains environnements ou certaines façons de « passer le temps ». Nous pouvons également nous sentir mal à l’aise face au rythme, aux engagements quotidiens et aux soucis qui nous empêchent de consacrer notre énergie aux choses que nous considérons comme vraiment importantes. Nous sommes influencés par la dimension matérielle et avons le sentiment de ne pas pouvoir y échapper. Nous aimerions être, comme le dit Platon dans le Théétète, davantage des philosophes, assis en méditation, que des archers montés, qui courent partout en tirant des flèches.
La voie mystique proposée par la Rose-Croix n’entend pas alimenter l’idée que l’homme, dans sa quête personnelle, devrait se détourner de la vie, de sa famille et de ses amis, et devenir un reclus. Loin de là. Le mysticisme rosicrucien est comme une bouffée d’air frais continue ; il a pour but de rallumer le feu qui s’est partiellement éteint. Ce feu peut enflammer certains aspects de notre personnalité, les purifier et restaurer les énergies qui nous sont inhérentes. Lorsque ce mouvement interne est déclenché, le chemin mystique commence à ralentir le rythme interne, ce qui permet à chaque étudiant rosicrucien de “ voir ” plus clairement ce qui aurait pu être négligé autrement, l’empêchant ainsi de traverser la vie sans le reconnaître.
En s’engageant de plus en plus dans la pratique de la quête de soi, avec un haut degré de sensibilité, le Rosicrucien, lentement et harmonieusement, laisse derrière lui les angoisses typiques de la vie, les faux espoirs, les schémas qui provoquent le déclin des relations humaines, le temps qui passe et qui ne semble faire qu’accroître l’ennui. Il restaure ainsi la qualité des relations interpersonnelles, renforce son lien avec la vie et avec le monde, devenant un agent de la divinité en commençant à remplacer la simple théorie de la spiritualité par la pratique effective d’une vie spirituelle. Au cours de ce processus, l’âme est nourrie, transmutant la personnalité de l’individu qui, en la chérissant, atteint une plus grande maturité intérieure.
En citant le grand poète italien Eugenio Montale (1896-1981), nous observons que « les choses obscures tendent vers la clarté ». L’un des aspects qui devient de plus en plus clair au fur et à mesure que nous avançons sur le Sentier est que la prospérité est une condition liée à la conscience. L’état d’esprit de l’humanité détermine sa réalité. Même la possibilité de laisser circuler les énergies dont nous disposons est liée au degré de conscience qui caractérise notre niveau d’évolution personnelle. Nous abandonnons peu à peu la tendance à penser que le bonheur est une condition qui appartient au futur : quand j’aurai plus d’argent, quand j’aurai plus de temps, quand je serai à la retraite, quand j’aurai une plus grande maison, etc. Le ralentissement de ce rythme en nous nous permet de « voir » les choses que nous avons déjà, ce qui nous permet de planifier un avenir sans idées farfelues, fantastiques ou illusions disproportionnées. On dit qu’un étudiant rosicrucien garde la tête dans les étoiles et les pieds sur terre. Cette expression explique clairement la position que nous devons adopter face à la vie. Reconnaître que nous sommes déjà, ici et maintenant, porteurs d’un certain degré de réalisation : nourrir en nous la gratitude envers l’univers et le Dieu de notre cœur, manifester de la compassion envers toutes les créatures (en se souvenant de celles qui souffrent physiquement et émotionnelle- ment) et toujours exprimer la confiance en la vie et en l’humanité, doit constituer la conduite de tout étudiant qui aspire à de grandes révélations intérieures.
En lisant l’histoire de la mystique rosicrucienne, nous établissons naturellement des parallèles entre 1614, année de publication de la Fama Fraternitatis, et notre époque. Le XVIIe siècle a été une période critique pour l’Europe. La science, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est née à cette époque ; la découverte du Nouveau Monde était relativement récente ; l’imprimerie diffusait le savoir comme jamais auparavant ; et les guerres de religions faisaient rage, entraînant famines et morts. Il ne fait aucun doute que nous avons parcouru un long chemin depuis. De nombreux aspects négatifs ont été surmontés, mais certaines expériences persistent, chargées d’un lourd fardeau d’angoisse et d’insécurité.
La réponse des Rosicruciens de l’époque fut la publication de la Fama Fraternitatis et de la Confessio Fraternitatis, rappelant aux gens la nécessité de placer leur vie sous les auspices de la connaissance et de la fraternité entre personnes de bonne volonté. Cette invitation a été répétée depuis par notre Ordre (cf. le Manifeste Positio Fraternitatis Rosae Crucis) et nous, Rosicruciens du XXIe siècle, portant notre histoire dans notre cœur et regardant vers l’horizon, devons diffuser des pensées de paix, d’harmonie et de prospérité à l’ensemble de l’humanité. Pour cela, nous nous rappelons aujourd’hui l’engage- ment que nous avons pris envers nous-mêmes avant d’entrer dans l’Ordre, lorsque nous nous sommes engagés sur le chemin de la connaissance de soi. Puisons notre force dans les liens fraternels qui nous unissent et répandons la lumière de la connaissance dont l’A.M.O.R.C. est la digne héritière pour le monde !
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