SECTION PSYCHOLOGIE
par Robert Blais, Membre de l’Université Rose-Croix Internationale
« Durant la première moitié du XXe siècle, les études empiriques sur les rêves ne sont pas sorties du champ de la psychologie, mais à partir des années 1950, les scientifiques commencèrent à s’y intéresser. Nous examinerons alors quelques-unes des recherches menées par la science à propos du sommeil et des rêves.
Le sommeil paradoxal
En observant le sommeil des enfants au début des années 1950, deux chercheurs américains, Nathaniel Kleitman et Eugène Aserinsky, notèrent avec intérêt que certaines phases de leur sommeil étaient marquées par une importante agitation des yeux, alors que le reste du corps demeurait entièrement inerte. Ils publièrent le résultat de leurs recherches, en 1953, dans la célèbre revue Science. Ils appelèrent ce stade « le sommeil REM » (Rapid Eyes Movements).
Puis on se rendit bientôt compte, en poursuivant l’étude de ce type de sommeil auprès d’adultes cette fois, que 80 % des dormeurs réveillés pendant cette période d’agitation oculaire pouvaient raconter avec précision le rêve qu’ils étaient en train de faire, ce qui amena les chercheurs à conclure que le sommeil REM était le moment le plus propice aux rêves. William Dement et Nathaniel Kleitman furent les premiers, en 1957, à publier un article scientifique décrivant ce rapport direct entre les rêves et le sommeil REM.
Un autre pionnier de l’étude scientifique du rêve est le neurochirurgien lyonnais Michel Jouvet. Intrigué par le paradoxe d’une intense activité cérébrale liée à une complète atonie musculaire, il utilisa une nouvelle expression pour désigner le sommeil REM ; il l’appela « sommeil paradoxal ». Ce chercheur exprima sa fascination devant l’énorme complexité de l’activité neuronale au cours du rêve : « Nous demeurons étonnés devant le plan de câblage du rêve, comme un ingénieur devant celui d’un automate complexe fabriqué sur une autre planète. »
Une de ses préoccupations majeures fut de trouver une explication neurologique à la paralysie des muscles durant les rêves. Au moyen d’interventions chirurgicales pratiquées sur des chats, il découvrit que c’était la production de glycine qui était responsable de cette inhibition musculaire. Il put observer, après avoir détruit le locus coeruleus alpha dans le cerveau d’un chat, que ce dernier accomplissait les gestes commandés par le rêve. Voici de quelle manière il décrivit les expériences conduites à l’université de Lyon en compagnie d’un collaborateur, J.-P. Sastre :
« Chez le chat, la destruction du locus coeruleus alpha rétablit l’activité motrice […]. Durant son sommeil paradoxal, le chat se redresse et commence une exploration visuelle. Il ne perçoit aucun des objets qui l’entourent. Il ne réagit pas aux bruits, à la lumière, aux odeurs. Tout son système sensoriel est piloté par une commande autonome interne. Il se lèche, se met à l’affût ou poursuit une proie invisible. Il attaque dans le vide, prend peur sans raison ou combat un ennemi inexistant.»
Les rythmes du sommeil
Les études sur le sommeil ont permis d’établir que lors d’une nuit régulière, le dormeur adulte traversait quatre ou cinq périodes de sommeil d’environ quatre vingt-dix minutes chacune, comprenant cinq stades facilement identifiables par leurs rythmes cérébraux particuliers. Le tableau qui suit présente ces rythmes, tels qu’ils se manifestent à l’état de veille, durant la méditation et à chacun des stades de sommeil.
États de conscience⇒Rythmes cérébraux en Hertz (Hz) (nombre d’oscillations par seconde)
Veille active⇒Rythme bêta (> 15 Hz)
Veille inactive (méditation)⇒Rythme alpha (8 à 11 Hz)
Sommeil (stade 1)⇒Morcellement du rythme alpha (8 à 11 Hz)
Endormissement⇒Rythme bêta (> 15 Hz)⇒Rythme thêta (3,5 Hz à 7,5 Hz)
Sommeil (sommeil léger)⇒Rythmes irréguliers
Sommeil (sommeil lent profond)⇒Rythme delta rapide (< 3,5 Hz )
Sommeil (sommeil lent trés profond)⇒Rythme delta lent (± 0,5 Hz)
Sommeil (Sommeil paradoxal)⇒Rythme thêta (3,5 Hz à 7,5 Hz)
Le sommeil régulier d’un adulte comprend quatre ou cinq périodes de sommeil paradoxal d’environ vingt minutes par nuit, ce qui totalise environ une heure trente de rêves. Durant l’enfance, la période paradoxale est beaucoup plus longue. Il a été démontré que les nourrissons s’endormaient directement en phase paradoxale et que celle-ci occupait de 50 % à 80 % de leur sommeil.
On s’est aussi rendu compte que le foetus humain manifestait les traits caractéristiques de ce type de sommeil dès la vingtième semaine de grossesse et qu’après trente semaines, le sommeil paradoxal occupait 90 % du temps de l’enfant.
Le tableau montre que durant le sommeil paradoxal, le cerveau produit, entre autres, des ondes bêta, ce qui indique qu’il est pratiquement aussi actif que durant la veille.
Grâce à des technologies récemment mises au point,,dont la topographie par émission de positons (TEP) qui permet d’obtenir des images du flux sanguin, il est possible de détecter les zones cérébrales qui sont mises en action durant les différents stades du sommeil. On a ainsi constaté que le tronc cérébral, le thalamus et le système limbique sont très actifs pendant le sommeil paradoxal.
Le sommeil des animaux
Les scientifiques se sont également beaucoup intéressés au sommeil des animaux. Ceux-ci traversent des périodes de sommeil très différentes selon les espèces.
Ceux dont les systèmes de défense sont déficients ne dorment que par petites périodes. C’est le cas du lièvre qui se réveille toutes les trente secondes afin de repérer d’éventuels prédateurs. À l’inverse, des animaux imposants comme le lion et l’ours figurent parmi les plus gros, dormeurs.
L’étude du sommeil animal a révélé d’autres faits intéressants. Grâce aux travaux de biologistes, tel Lev Mukhametov et son équipe de l’institut d’écologie de Moscou, on sait maintenant que certains mammifères marins, en particulier les dauphins, ne dorment qu’à moitié. À l’aide d’électrodes placées sur leur crâne, on s’est aperçu que ces animaux connaissaient un sommeil lent unihémisphérique, c’est-à-dire qu’un seul hémisphère à la fois était endormi. Pendant que l’hémisphère cérébral gauche sommeille, l’hémisphère droit veille, et ensuite, c’est l’inverse qui se produit. Cette astuce de la nature permet aux dauphins de pouvoir sommeiller tout en continuant de nager. S’ils dormaient d’un sommeil entier, ils seraient contraints à l’immobilité et, par conséquent, incapables de monter à la surface de l’eau régulièrement pour y respirer l’oxygène atmosphérique, comme l’exige leur constitution biologique.
D’autres chercheurs ont découvert la présence du sommeil lent unihémisphérique également chez les canards, lorsqu’ils sont en condition de danger. À la fin des années 1980, une équipe américaine de l’université d’Indiana, dirigée par Charles Amlaner, a observé que les colverts pouvaient dormir d’un seul oeil lorsqu’ils remplissaient la fonction de sentinelle au sein de la bande.
Lorsque ces canards dorment en groupe, 31 % de ceux qui dont situés en périphérie présentent un sommeil unihémisphérique, contre 12,3 % pour ceux qui dorment à l’intérieur du groupe. Par contre, lorsqu’ils dorment dans des conditions sécurisantes, leurs deux hémisphères sommeillent. Il s’agit là encore d’une merveilleuse adaptation de la nature pour venir à la rescousse d’espèces
plus vulnérables à l’assaut des prédateurs.
Pour terminer ce bref coup d’oeil sur le sommeil des animaux, voici maintenant le résultat de recherches portant cette fois sur leur sommeil paradoxal. D’après une étude de Mehdi Tafti, nous possédons actuellement des données fiables sur la périodicité et la durée du sommeil paradoxal d’au moins vingt-six espèces d’animaux. On a observé que ce type de sommeil existe chez tous les animaux homéothermes et que sa durée, à part quelques exceptions, est proportionnelle à la grosseur de l’animal et à sa nature carnassière. Un tableau nous permettra de connaître ces données pour quelques mammifères. Le sommeil paradoxal des mammifères Ainsi, le sommeil paradoxal chez la souris, par exemple, dure environ une minute et revient toutes les 4 minutes, tandis que le cheval connaît une phase paradoxale de 18 minutes qui se répète toutes les 60 minutes. Quant à nous les humains, notre sommeil paradoxal adulte dure environ 20 minutes et il revient toutes les 90 minutes. »
Extrait de Les rêves messagers de l’âme